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Emmanuel Romeo et les métamorphoses : retour au silence

Les œuvres d’Emmanuel Romeo possèdent une qualité rare. « Echos d'arbres », « Impressions », « Rencontres »,  « Mondes passagers », « Végétraces », « Entre temps » : toutes ces séries répondent dans leur perfection à la même exigence. Celle-ci donne un écho au silence, une vibration à la souche. Elle permet aussi de s’immiscer dans les labyrinthes du songe par les métamorphoses qu’elle engendre. En ce sens l’artiste se rapproche d’un certain art photographique ou cinématographique japonais, le plus minimaliste et le moins exotique (Ozu par exemple).

De non man’s land abandonnés par la marée, de quelques poteaux télégraphiques plantés ou encore de souches torturées l’artiste crée un univers farouche mais apaisé. Tendre mais dénudé. Il évite avec soin de saisir les humains. Il préfère éteindre leurs bougies comme si à travers elles la lumière ne pouvait se saisir. Une lumière térébrante, puissante prise sur le temps qui ronge les heures ne peut se saisir que par d’autres « chairs » plus minérales mais peut-être plus existentielles…

Aussi nocturne que diurne l’œuvre les saisit en des instants cernés par un certain vide où le regard bascule.  Parfois la lucidité du noir trouve appui sur une certaine idée de la chute avant de se perdre sur les hauteurs d’un brusque mouvement d’air. Tout joue entre équilibre et déséquilibre. Parfois le ciel est en abîme mais parfois c’est la matière elle-même qui est saisie en un pur chaos.

Emmanuel Romeo absorbe le monde. Il demeure porté par certains de ses courants. Les plus primitifs, les plus essentiels. Rien n’est jamais boueux dans ses prises. Et si une blessure les habite rien n’en sera dit dans ce qui échappe au décoratif pour entrer dans l’ordre de la cérémonie. Le photographe semble se retirer de la simple évidence du monde  en ne cédant pourtant en rien sur certains de ses éclats. Il prend à témoin le végétal, le minéral. Il en fait son lit de silence juste avant qu’un mince soleil sombre. Mais la lumière de chaque épreuve parle en son nom tout en rejetant un pur effarement blanc.

L’artiste provoque des césures face à l’énigme du monde. Au bout d’une ligne qui court et se rompt reste la poussière du ciel acharnée ailleurs à découvrir par effet de miroir l’invisible patience de l’eau livrée, lorsque la marée, se retire aux caprices du sable. Dans les méandres de la terre comme dans ceux des arbres Emmanuel Romeo inscrit sa narration d’un monde provisoire qu’il sauve avec obstination de la débâcle des naufrages. Tout est de l’ordre de la célébration de fragments de clarté.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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